lundi 22 mars 2010

J'aime la vie, je lui souris

Salut, je m’appelle Renaud, je suis intermittent du spectacle. Je touche à tout ce qui est son, lumière. Je travaille en backstage hein, pour que l’artiste puisse évoluer dans les meilleures conditions. J’aime beaucoup la culture et je vis sous le seuil de pauvreté. Je n’ai aucun talent et j’aime mon métier. Je participe un peu à l’effort créatif et je vis ma vie par procuration, c’est une manière pour moi d’assumer mon existence.

Le culturel c’est important, cela participe à l’épanouissement. J’accepte donc d’être payé au lance-pierre et traité comme un chien pour avoir l’impression d’être utile à la société. Je me bats contre ce gouvernement qui casse les budgets de la culture pour renflouer ceux de l’armée. Ouais c’est vrai. C’est le capitalisme. À ce propos, j’ai trouvé les bouquins de Marx pas mal, c’est crédible quoi. On a vraiment l’impression que ce mec a tout compris, il a du avoir une enfance difficile. C’est dur l’enfance. Je peux en parler, j’ai été un enfant et je le suis encore un peu dans ma tête vous savez. Je fais la collection des petites voitures. Tous les trois mois je casse mon SMIC pour en avoir une nouvelle. C’est ma petite astuce pour combler l’absence totale de relation sexuelle.

Les femmes ne s’intéressent pas à moi, je le reconnais, je n’ai aucune conversation et aucun relief. Quand je me lève le matin, l’épreuve du miroir est assez difficile, j’ai rêvé d’être une star pendant mon sommeil et dans la salle de bain je ne vois qu’un pauvre mec, pas très beau, le teint pâle avec une vilaine peau. Mon charisme c’est ma vacuité, un manque absolu de personnalité, c’est sur je ne suis pas comme les autres, je suis parfaitement dépouillé de moi-même. Je n’ai jamais réussi à éjaculer en me masturbant, je n’arrive pas à me projeter avec une fille, c’est juste pas crédible. Pour prendre du plaisir, j’enfile mon maillot de football du club de mon enfance, taille huit ans, et je m’amuse avec mes voitures miniatures.

Pour pousser le vice encore plus loin, je me suis acheté des chaussures à crampon, du 37, je souffre quand je les chausse mais j’ai l’impression de vivre alors j’encaisse. J’existais pour mes coéquipiers parce que je marquais des buts. Ils me tapaient dans la main et me félicitaient. La belle époque. J’étais le premier tout nu dans les vestiaires et j’haranguais mes copains de me rejoindre. Une fois, j’ai été convoqué avec ma mère chez l’entraîneur, on me reprochait de les harceler, alors que ce n’était que de la franche camaraderie. Enfin, bon tout ca pour vous dire que je commence à penser sérieusement à mettre un terme à cette mascarade. Le suicide, je vois cela comme une suite logique, je l’accepte pleinement. Je ne dirais pas que ca me réjouit mais c’est dans la continuité. J’ai toujours était constant dans ma vie, linéaire comme l’électrocardiogramme d’un macchabée.

J’ai pensé à tout et je penche pour une sortie en apothéose. Je vais mettre en place une large campagne de communication en incitant la population à regarder un point surélevé à une heure précise dans une ville de province, une colline par exemple. J’arriverai avec mon camion bourré d’explosifs, de feux d’artifice et je me ferai sauter avec volupté. J’aurai pris soin précédemment de rédiger un traité d’art contemporain dans lequel je justifie mon acte comme étant une œuvre artistique, l’aboutissement de l’art contemporain. Après cela, je suis sûr que d’autres m’imiteront et je laisserai derrière moi une empreinte indélébile. Le syndrome du soldat inconnu. Une vie ratée, une corps déchiqueté et une reconnaissance post-mortem, c’est quand même beau la vie les copains.

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