Madame, Monsieur
Bonjour, je m’appelle Fanny et j’ai deux enfants en bas âge qui me pourrissent la vie. J’habite à Limoges et je ne vais pas tarder à mettre fin à mes jours. Je n’ai plus aucune perspective d’évolution. Je fais croire à mon entourage que le père est mort alors qu’il est parti. Il a insisté pour vivre l’aventure et continuer jusqu’au bout. 7 mois après, l’aventure est finie et je me retrouve seule avec deux enfants que je déteste. Tout allait bien. Je finissais mes études, la vie me tendait les bras et voilà que Monsieur arrive. Je ne suis plus bonne à rien avec deux gosses sur les bras. Je n’ai pas d’argent, je vis des aides sociales et en plus d’être un poids pour moi-même, je suis un poids pour la société.
Des associations féministes ont essayé de m’aider mais je ne pouvais pas rester plus de dix minutes à les écouter, je ne me sens plus femme, leur combat ne me concerne pas. Les témoins de Jéhovah sont aussi venus, j’ai essayé de leur refourguer les gosses mais quand ils ont compris que je n’avais pas d’argent, ils sont partis. Je suis resté sur le pas de la porte près de trois heures. Je n’arrive plus à pleurer, je n’ai plus de larmes dans mon corps. Je suis dans une détresse totale, je n’ai plus rien pour moi, plus d’ami, une mère distante, je passe des journées à m’arracher les cheveux, à chercher une solution. J’avais tout…TOUT… et c’est parti en fumée, je n’aurai pas de deuxième chance. Je suis égoïste moi à la base, je suis incapable de m’occuper de quelqu’un, je veux mon propre bonheur avant celui des autres, je ne suis pas faite pour ça. On parle de l’instinct maternel, je ne l’ai pas, je ne sais pas ce que c’est.
Quelle détresse, mais quelle détresse! Ma sexualité s’est envolée avec mon utérus qui m’a été ôté pendant l’accouchement, ma vie sociale est un champ de ruine, je n’ai aucun divertissement, mes seules pensées sont destinées à me sortir de là. Plus je pense, plus l’étau se resserre, plus la possibilité d’aller à Castorama chercher une corde et un tabouret se dessine ; mais l’amour que je ressens pour la personne que j’étais avant la catastrophe m’empêche de passer à l’acte. Je pourrais me confondre dans une colère folle contre le père mais ça serait me mentir, j’ai accepté sa proposition, j’ai cru à ses promesses, c’est ma faute. Ce mec est juste un connard et moi une pauvre conne, alors quand je me retrouve face à la glace, dans la salle de bain, je prends un cutter. Je m’entaille l’intérieur des cuisses, je respire, je contrôle ma douleur, pour une fois. Le sang sur le carrelage blanc fait un joli contraste de couleur alors je continue à m’ouvrir pour apprécier l’esthétique du mouvement. Oui… je sais quand même apprécier et donner de la profondeur aux choses, j’aurais aimé faire une école d’art et passer des heures sur une toile, recouverte de peinture. Maintenant je dois m’émanciper, changer de vie, me renverser.
Les autres étaient très forts pour me dire ce que je devais faire ou ne pas faire; les autres étaient plus doués que moi pour prendre des décisions décentes, délicatement dangereuses ou délicieusement dérangeantes. J’ai tourné en rond les pensées les plus perfides, les plus perdues, les plus profondes. Je vais prendre la meilleure décision, je laisse les jumeaux sur le parvis de votre maison. Sans trace, seule la crasse d’une nuit d’été gelée à l’éthanol, percée par le cri des bébés hurlants. Dites-leur que je suis partie parce que je suis encore vivante. Dites leur que je n’ai jamais existé pour eux, j’ai été morte pour eux.
En vous remerciant.
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